mercredi 28 novembre 2012

L'art et le numérique



« Dessiner à l’ordinateur revient à interroger au travers de multiples contraintes notre degré d’émancipation dans ce monde de machines redessiné par les algorithmes. Quels sont les modes d’accès aux signes et à l’écriture aujourd’hui dans le contexte artistique actuel ? Comment l’imagination graphique participe-t-elle à l’élaboration et la visualisation des processus de création ? Comment le paradoxe de la matérialité perdure-t-il avec la technologie et les programmes ? Que visualise l’information lorsqu’elle fait irruption dans le temps et la matière ?
Mais aujourd’hui, nous allons un peu changer notre angle d’attaque : nous allons nous demander comme le numérique travaille l’art. Comment le numérique en tant que support peut perturber les processus de création, de diffusion et de réception. Comment la possibilité pour presque tous de créer et de diffuser travaille en son cœur non seulement les formes artistiques, mais aussi une sensibilité d’époque. Comment c’est l’art qui est travaillé certes, mais aussi, tout simplement, l’idée du beau. »
_ extrait de Le plaisir du tracé : notes pour une hyper sensibilité programmatique  par Pierre Braun. 



Le travail du photographe Leo Caillard (ci-dessous) est particulièrement intéressant dans sa façon d’aborder les relations entre l’art et le numérique, entre le numérique et la muséographie. La France fait sur ce point encore objet de mauvaise élève comparé à l’Allemagne qui travaille activement à intégrer le numérique dans la scénographie de ses expositions. Il convient en effet de s’interroger et de repenser fondamentalement notre rapport à l’art dans la société d'aujourd'hui afin de proposer de nouvelles solutions pour le musée de demain.


Comment le numérique en tant que support peut perturber les processus de création, de diffusion et de réception?

« Mais de quoi parle-t-on au juste ? Derrière le terme « numérique », qui est une technologie de dématérialisation de l’image, du texte, du son ou de la vidéo, il faut surtout considérer ses applications : la messagerie électronique, le Web, les réseaux sociaux, les livres numériques, les aides à la visite.
Les chiffres mesurant la « pénétration » de ces applications par les musées sont en apparence flatteurs. En 2010, selon le Palmarès des musées du Journal des Arts, 42 % des musées disposaient d’un site Internet. Un taux qui augmente rapidement au fur et à mesure de la taille des lieux. Selon une enquête du Clic réalisée en janvier 2012 sur 150 lieux culturels importants, le taux monte à 81 %. Ils sont même 45 % parmi ces derniers à être présents sur les réseaux sociaux, Facebook ou autres. En apparence également, le nombre de « convertis » parmi le public ne cesse de gonfler. L’audience du Louvre.fr dépasse les 10 millions de visiteurs mensuels quand le nombre de fans Facebook du musée est de 440 000. Le Centre Pompidou attire 5 millions de visiteurs et 188 000 fans, le château de Versailles, 6 millions de visiteurs et 28 000 fans… »
_Extrait de Le numérique dans les musées, des intentions à la réalité, de Jean-Christophe Castelain , Publié dans le Journal des Arts, le 17 février 2012









série ''ART GAMES" de LEO CAILLARD


mardi 27 novembre 2012

Quel impact des NTIC sur la ville et l'architecture?


SO/AP- UNBUILT RESEARCH


Comme nous l'avons déjà évoqué lors d'un précèdent post les NTIC (ou DATA) ne sont pas des éléments immatérielles. Ce sont des éléments bien réels qui nécessitent infrastructures et énergie pour fonctionner. Dans le cadre d'un travail au sein de l'agence SO/AP nous nous sommes posé cette question:

Dans quelle mesure les DATA (ou NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) peuvent-elles influer sur la forme physique des villes?

La ville numérique a le vent en poupe, et rares sont les municipalités qui ne tentent pas  de développer des actions visant à favoriser l'utilisation des NTIC. Un exemple des plus concrets est l’e-tourisme ; de plus en plus de villes développent des applications qui permettent de transformer votre téléphone en véritable guide de voyages (lieux, horaires d'ouverture, avis d'autre internautes, tarifs....).
Internet, les Smartphones que de plus en plus d'individus possèdent, s'ancrent dans nos us et coutumes. On peut observer qu'ils commencent aujourd'hui à interagir avec la ville. Cependant ce ne sont pas par ces applications que vont s'opérer les mutations de la forme urbaine. Avec ce type d'implantation de cette technologie, nous restons dépendant des réseaux routiers et  ferroviaires.

Il apparaît clairement que la montée en puissance des NTIC n'ont encore que très peu affecté la forme urbaine. Pour l'instant ils se présentent sous la forme de bases de données, de réseaux sociaux.

P.FUSERO pose la question suivante : "les réseaux numériques pourront-ils à l'avenir modifier la forme physique de la ville en assumant le rôle même qu'avait exercé jadis les infrastructures de transport ".

Nous pourrions répondre que tant que les réseaux numériques ne pourront transporter de biens matériels ils ne pourront remplacer les réseaux de transports, donc ne pourront pas engendrer le même bouleversement urbain. 
Cependant nous ne pouvons nous contenter d'une vision aussi simple. Comme toujours il y a des nuances ; les réseaux numériques ont la capacité de faire circuler des informations, et peut changer notre interaction avec la ville. C'est grâce à cette capacité qu'ils parviendront à modifier nos rapports aux réseaux de transports et par extension ils pourraient donc modifier la morphologie urbaine telle que nous la connaissons.

A l'heure actuelle nous pouvons effectuer la plupart de nos achat sur le web, on estime à plus de 80% des achats pour le loisir et 60% du reste des achats sont désormais effectués par Internet dans les pays d'Europe (Source: Fleishman Hillard). 

Le e-commerce, le m-commerce et le t-commerce (1)  sont des activités en pleine expansion . Ils pèsent aujourd'hui plus de 47 milliards d'euros en France et font chaque jour de nouvelles avancées. Plus de 77% des français achètent via un ordinateur, un téléphone ou une tablette.

Nous constatons également que de plus en plus de municipalités, banques, assureurs.... mettent en ligne leurs formulaires et applications, nous permettant de faire la quasi-totalité des formalités en ligne (Inscription, imposition, virement, etc.).

De plus, les nouvelles technologies sont en train d'estomper les frontières de l'entreprise. 
Des entreprises comme Renault ou AXA offrent à certains de leurs salariés la possibilité de travailler depuis leur domicile (Source Cadremploi.fr). Aujourd'hui les NTIC offrent une nouvelle manière de communiquer, d'échanger et de collaborer à distance tout en conservant les mêmes outils que dans les locaux de l'établissement.

Quel pourrait être la résultante de toutes ces pratiques déjà couramment utilisées sur la morphologie urbaines?

Les différentes pratiques précédemment énoncées sont une bonne démonstration de la capacité des réseaux numériques à faire circuler l'information. En mettant en parallèle les nouvelles pratiques dérivant des NTIC et les motifs de nos déplacements nous nous apercevons que la répartition et la hiérarchie  de la nature de nos déplacements pourraient être entièrement repensées.

Nous proposons de regrouper les motifs de nos déplacements en six flux : le travail, les affaires professionnelles, les études, les loisirs, les achats et les affaires personnelles. 
Par l’apparition de nouvelles pratiques comme le e-commerce, l’e-travail, et l'e-administration, la quantité de déplacements peut être fortement réduite. Le seul flux qui subirait le moins d'impact étant celui du loisir. On ne se déplace plus par nécessité mais par envie. 
En réduisant ainsi le nombre de nos déplacements, nous pouvons diminuer nos besoins en infrastructures et réseaux de transports.

La mutation de la forme physique de la ville ne s'opérera que par le changement de nos habitudes, car les NTIC ne peuvent avoir d'impact sur la forme d'une ville déjà existante. Cependant ils nous permettent de nous questionner sur la nature de nos relations avec les réseaux de transports et l'espace public. Ce sont des éléments à prendre en compte et qui seront susceptibles de modifier la ville de demain.


(1) - le e-commerce regroupe l'ensemble des transactions commerciales s'opérant à distance par le biais d'interfaces électroniques.
      - Le m-commerce regroupe l'ensemble des opérations commerciales via un téléphone portable 
      - le t-commerce regroupe l'ensemble des opérations commerciales via une tablette numérique.

jeudi 22 novembre 2012

DATA SPACE vs LANDSCAPE






Dans le cadre du concours Land Art Generator Initiative (LAGI), l'agence SO/AP a travaillé sur les rapports possibles entre le développement durable et les Technologies de l'Informations et de la Communication (TIC)

Aujourd’hui, plus de 2 milliard de personnes sont connectées quotidiennement. Chaque seconde, 3 millions d’emails sont envoyés, 30 000 phrases sont enregistrées sur Google. On estime qu’environ 75% des internautes sont adeptes à au moins un réseau social (MySpace, Facebook, Tweeter…). Facebook compte maintenant près d'un milliards de comptes. Internet et ses réseaux sont devenus une des composantes intégrale du XXème siècle et ce partout dans le monde.

Du point de vue énergétique, ce média représente plus de 1% de la consommation d’énergie mondiale. Si les data centers facilities et les TIC étaient considérées comme un pays, celui-ci se placerait dans le top 5 des pays les plus consommateurs d’énergie (why Cloud aren't green, Greenpeace, CLOG).  

Il importe donc de réfléchir sur la manière dont pourrait être associé la production d’énergie verte au système des TIC ; et plus globalement, dans quelle mesure les TIC affectent-ils l’art et notre environnement ? 





La proposition de SO/AP se traduit par un manège composé de trois anneaux actionné par des ailes de kite surf. Ces voiles à très hautes altitudes (plus de 800m de haut) bénéficient de vent plus fort et plus stable et servent à produire de l'énergie. Ce projet fonctionne comme une éolienne renversée dons les pales seraient remplacées par des ailes de kite.
Les données informatiques sont immatérielles et invisibles tout comme les vents qui sert à actionner les voiles. Chaque voile montre le profil d'un utilisateur, c'est la mise en avant de la notion d'individu (la voile)  et de communauté/network (l'ensemble des voiles).
Partant du noyau central, les anneaux constituent un schéma progressif des contrôles qui s’exercent entre le web et l’homme, entre l’énergie et le web, entre l’homme et l’environnement. 




Si la structure est imposante, elle préserve la qualité du site de Freshkills (site proposé dans le cadre du concours) par un impact proportionnellement minimum au sol. Les voiles permettent de faire de chaque manège un signal visible à des dizaines de kilomètres. C’est le signal d’une attraction offrant au public un affrontement entre le web et la nature. S’élevant au-dessus du sol, l’anneau extérieur forme un belvédère mobile sur la nature environnante. Ce belvédère est le point de rencontre entre nature et monde digital, où promeneur et animalier rencontrent les amoureux du monde virtuel, venant s’offrir les derniers produits de la consommation numérique.  Plus on se rapproche du centre, plus l’omniprésence du web se fait sentir. Ainsi les anneaux centraux accueillent des ‘’body-plug’’. Ces amateurs de réalité virtuelle, reconstruisent un monde à eux, dont le terrain virtuel de base est celui de Freshkills. 

Le site s’oppose à lui-même, entre la réalité observée et la réalité désirée. 







The Tubes - Andrew Blum

http://andrewblum.net/wp-content/uploads/2012/04/tubes-cover-sizedright.png
“For all the talk of the placelessness of our digital age, the Internet is as fixed in real, physical places as any railroad or telephone system ever was. In basest terms, it is made of pulses of light. Those pulses might seem miraculous, but they’re not magic. They are produced by powerful lasers contained in steel boxes housed mainly in unmarked buildings. The lasers exist. The boxes exist. The buildings exist. The Internet has a physical reality, an essential infrastructure, a ‘hard bottom,’ as Henry David Thoreau said of Walden Pond. In undertaking this journey, I’ve tried to wash away the technological alluvium of contemporary life in order to see—fresh in the sunlight—the physical essence of our digital world.”
—from the Prologue of TUBES "Andrew BLUM"

"Malgré toutes les discussions concernant l'immatérialité de notre ère digital, internet est aussi bien ancré dans le réel que peut l'être un réseau téléphonique ou ferroviaire. En de plus vils terme il est composé d'impulsions lumineuses. Bien que ces impulsions puissent paraître miraculeuses elles ne sont pas magiques. Elles sont le produit de puissant lasers contenus dans des caisses en acier situées dans des bâtiments sans signes distinctifs. Les lasers et les boites on cependant une matérialité.
Internet a donc une réalité physique, une infrastructure essentielle au fonctionnement de ce "noyeau dure" comme l'a dit Henry David Thoreau de Walden Pond.
En entreprenant ce travail nous n'avons pas pris en compte toutes les avancées technologique afin de mettre en lumière l'essence physique de notre monde digital."

Traduction proposée par FOG du Prologue de TUBES "d'Andew Blum"

Pour plus d'info sur cet article suivez ce lien: http://andrewblum.net/ 


 

FOG

FOG doit son titre par opposition au cloud computing (1). Notre objectif en créant ce blog est de partager avec vous le maximum d'images et d'articles traitants des interactions entre architecture, nouvelles technologies (2) et phénomènes de société...
A l'heure où les frontières semblent brouillées, où le bâtiment est devenue ville, et où de nouvelles villes sont conçues comme des bâtiments, nous essayons de développer une réflexion sur la manière dont les Nouvelles Technologie de l'Information et de la Communication (NTIC) affectent l'architecture d'aujourd'hui et contribuent à façonner notre environnement.

Parce que ce domaine est encore difficilement étudiable, nous avançons à tâtonnements et tentons de le décrypter aux travers d'articles et expérimentations sous formes de projet.

"L'homme regarde l'avant et l'après, et il forme des projets pour ce qui n'existe pas"

Les transformations de l'homme, L.Mumford, 1956

Bonne lecture 
FOG


(1) Le cloud computing est un concept qui consiste à déporter les informations (généralement stockées sur des serveurs locaux ou le poste de l'utilisateur) sur des serveurs distants.
(2) Nouvelles technologies: Au fil des articles vous verrez que le mot DATA est fréquemment utilisé. Nous avons la fâcheuse habitude d'englober plusieurs concept dans ce mot dont la signification initiale est "donnée". (ce terme regroupe les idées de réseaux sociaux, internet, NTIC, ainsi que la plupart des applications qui en dérivent).