mardi 11 décembre 2012

Le numérique dans la Prison


Illustration par Larskflem ; Flickr


En 1985, le garde des Sceaux, Robert Badinter, parvient à convaincre l’administration pénitentiaire pour faire rentrer la télévision dans les prisons. Le détenu français devient alors téléspectateur, accroché à ce média lui racontant le ‘’dehors’’. Si internet permet de briser les frontières, l’espace carcéral semble encore étanche à l’arrivé de ce nouveau média. Seulement avec internet, c’est une nouvelle révolution qui attend le monde carcéral.  Outil idéal d’ouverture et de réinsertion, internet est perçu par les détenus comme un formidable outil de projection vers l’avenir, rendant plus favorable les démarches de réinsertion. L’administration pénitentiaire est cependant encore frileuse à l’arrivé de média difficilement contrôlable. En effet, l’accès à internet par les détenus pourrait poser un certain nombre de problèmes comme l’autorisation ou non à participer à des forums ; l’accessibilité à des sites expliquant la fabrication d’armes artisanales. Sans oublier qu’internet est un vivier efficace pour la diffusion de propagandes extrémistes.  
Cependant, un certain nombre d’initiatives sont faites à ce sujet. En Belgique, les services informatiques de la direction générale des établissements pénitentiaires  sont en train concevoir un programme baptisé "Prison Cloud", qui permettra aux détenus de recevoir des informations générales sur la prison et d'accéder de manière réduite à internet. En France, Jean-Marie Delarue préconise une utilisation plus généralisé d’internet dans le milieu carcéral. 

‘’L'informatique est un outil qui va permettre de responsabiliser les détenus sur leur propre sortie. Elle permet d'amplifier les outils de réinsertion sans changer leur nature. Je n'ai aucun doute sur le résultat final, et d'autant moins que les instruments classiques de réinsertion aujourd'hui en prison sont en crise parce qu'il n'y a pas assez de soutien, il n'y a plus beaucoup de travailleurs sociaux en prison, et ils sont tous débordés. Au moment où ces instruments de réinsertion sont en crise, l'informatique devient plus que jamais nécessaire.
Quand Badinter a introduit la télévision dans les prisons, on a crié au scandale. C'est un peu le même type de réaction auquel on assiste aujourd'hui. Je suis attentif notamment à la réaction des professionnels qui travaillent dans des conditions difficiles, comme les surveillants. Il ne faut pas qu'ils s'inquiètent : l'informatique va au contraire être un élément de sécurité pour eux, puisqu'elle vadiminuer les tensions. Elle va ramener le calme, et pas seulement de façon passive, comme le voulait la télévision il y a 20 ans, mais de façon active.’’
_Jean-Marie Delarue, propos recueillis par Margherita Nasi (source: Le Monde) 



L’arrivée du numérique dans les prisons semble donc souhaitable voir nécessaire pour faire évoluer le système pénitentiaire. En effet, peut-être plus qu’ailleurs, le rapport entre l’emprisonnement et le numérique peut trouver son dessin dans l’architecture carcérale. Depuis les années 1980, un nouveau système de contrôle des déplacements a été mis en place grâce à l’informatique.

‘’ À la PEP sont vérifiés toute entrée et toute sortie de l’établissement. Le PCI contrôle l’accès à la zone en détention et assure le lien entre tous les postes de surveillance, ils contrôlent les déplacements dans les bâtiments d’hébergement et de promenade, actionnent à distance l’ouverture des portes d’entrées des bâtiments d’hébergement, de sortie dans les cours de promenades et actionnent à distance l’ouverture des portes et grilles relatives au bâtiment. Le PCC vérifie tous les mouvements dans la zone de détention et supervise tous les mouvements dans les galeries de liaison. ‘’ (fig01.)
_ Matthieu Morreau,PFE_02.07.10, Périphérie Prison 

On a donc assisté à un bouleversement dans l’organisation morphologique de la prison. Le système de Poupées Russes ayant remplacé le Panopticon de Bentham (fig02.)


(fig01.) Schéma de Matthieu Moreau, PFE_02.07.10, Périphérie Prison


(fig02.)
http://www.midilibre.fr/2012/11/27/balance-et-coups-de-couteau-en-prison,601295.php

‘’L’architecture pénitentiaire a toujours donné une certaine priorité à la sécurité. Mais si les systèmes de surveillances étaient avant tout liés à une architecture, un regard, c’est aujourd’hui la machine, la technologie, qui prend le relais et réglemente l’espace de l’incarcération. Le «panoptique » n’est plus architectural mais technologique. Une étude de l’association française de criminologie consacrée à certaines prisons des 13 000 montre que ces établissements, loins de rassurer, semblent générer un malaise chronique chez les détenus causé par le peu de contact direct entraînant « un repli identitaire défensif » et « un climat de violence ». Si dans les prisons cette technologie de surveillance devient la clef du fonctionnement de ces établissements, elle n’en reste pas moins tout aussi présente dans notre vie de tous les jours.’’(fig03.)

www.no-cctv.org.uk


Un vrai défi attend donc le système carcéral, entre concilier le système numérique comme moyen de contrôle et le numérique comme outils de réinsertion.


 crédit : SO/AP Architects.

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