« Toute masse urbaine vit forcément
d’un équilibre à maintenir entre ce qu’elle reçoit (ou ce qu’elle prend) et ce
qu’elle donne (ou restitue). L’équilibre est toujours à renouveler, la balance
jamais calme. Et la façon dont une ville s’appuie sur le dehors et se modifie
au-dedans pour se souder à l’extérieur et le dominer ; cette façon n’est
jamais simple, le secret en est, d’ordinaire à décrypter »
Fernand Braudel, L’identité
de la France, Paris, Arthaud-Flammarion, 1986 (p.167)
L’article suivant propose de dresser dans un premier temps
un bilan synthétique de l’évolution de la conception urbaine depuis le début
du XIXème siècle (en s’appuyant notamment
sur l’exemple parisien). Il ne s’agira pas de présenter une série de cartes
montrant les différents projets urbains, mais d’étudier la manière dont
l’échelle de conception urbaine s’est considérablement agrandie en l’espace
d’un siècle. Si ce phénomène est aujourd’hui bien connu, l’objectif est ici
d’en dégager les raisons, et dans un second point, de le confronter de manière
critique à sa traduction architectural (notamment en France).
I.
De la
Rue à l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM).
« La
ville ancienne n’arrivait pas à s’étendre, les parisiens se déplaçaient à pied,
et comme aucune ville ne va plus loin que ne vont ses habitants ; paris se
limitait à cette échelle piétonne […] Quand une ville manque d’espace, quand
ses rues sont étroites et quand ses habitants, de plus en plus nombreux,
veulent tous vivre et travailler en son centre, son fonctionnement se bloque.
C’est ce qui est arrivé à Paris au début du XIXème siècle. »
Extrait du film ; Paris : Roman d’une ville ; de Stan Neumann
d’après les travaux de François Loyer, 1991
Au début du XIXème siècle, Paris présente encore
une structure urbaine hérité du moyen âge, c’est à dire des rues étroites,
sombres et insalubres. Il faudra attendre les années 1860 avec l’annexion des
villages extérieurs à l’enceinte de la ville1, pour que paris entame
son processus d’agrandissement et bouleverse sa structure urbaine. Avec le
travail des grandes percées du Baron Hausmann, la rue prend une place centrale
dans les plans d’aménagement. On affirme la distinction entre le domaine privé
de l’immeuble –qui appartient au propriétaire- et la façade qui appartient à la
rue. C’est notamment par ce travail sur la façade comme décors, qui permettra à
paris d’obtenir son unité et sa cohérence.
Mais au-delà des considérations esthétiques, hygiénistes et
sécuritaires, le Baron Hausmann, en créant de larges avenues pour fluidifier le
trafic équestre saturant alors paris, répondait de manière prémonitoire à ce
qui sera une révolution majeure dans les villes du XXème siècle : l’arrivé
de l’automobile. Grâce à ce nouveau
moyen de transports, des personnes habitants loin du centre peuvent venir
travailler à Paris quotidiennement. Les frontières de paris commencent à
éclater, et en 1934, Henri Prost est le premier à établir un schéma directeur
pour la région îles de France. En 1952,
(pleine période de la démocratisation automobile) Jacques Bertin établi une
carte où l’agglomération est projetée sur une surface courbe, permettant
d’évoquer les lointains.
Plan de Paris, 1853, Baron Hausmann |
Le grand Paris d'Henri Prost, 1934 |
Le grand Paris selon Jacques Bertin, 1952 l'agglomération est projetée sur une surface courbe permettant d'évoquer les lointains |
La mobilité devient en effet une des expressions les nettes
des aspirations des modes de vie des individus, donc un facteur primordiale
dans l’élaboration des plans d’urbanisme. Le phénomène semble à la fois
cyclique et exponentiel ; car nous sommes aujourd’hui dans le cas de
villes saturées par l’automobile, et la tentation est grande « de vouloir agrandir Paris de manière
homothétique en renouvelant l’action d’Hausmann et d’englober une nouvelle
couronne de communes limitrophes. 2»
C’est dans
ce contexte qu’un nouveau projet de concertation sur le Grand Paris est lancé
en 2007 par Nicolas Sarkozy. Soucieux
des attentes et des nouvelles préoccupations environnementale, la plupart des
projets présentés par les équipes d’architectes concertés, font la part belle
au réseau de transport en commun, reléguant la voiture à une place de second
rôle. De ce faite, le territoire métropolitain s’en trouve considérablement
augmenté, allant même jusqu’au Havre selon le schéma d’aménagement proposé par Antoine
Grumbach.
Par ce très
synthétique résumé de l’évolution urbaine de paris, nous souhaitons réfléchir
sur l’influence des différents progrès technologiques, et leur rôle dans
l’évolution de la construction urbaine. En effet, le paramètre clef semble être
la vitesse. Nous sommes passés d’une ville à vitesse lente (piétons, calèche), à une
ville rapide (voiture) pour aujourd’hui passer s’orienté vers une vitesse
encore plus grande, celle du train. A chacune de ses évolutions, a correspondu
une échelle d’urbanisation de plus en plus grande. A ce point, que nous ne pensons plus la ville
en tant qu’entité unique, mais en tant qu’archipel de villes (Eurodelta, Boshwash,
PRD). Si Yona Friedman parlait déjà en 1960 d’un Continent-city Europe, en
1996, Olivier Dollfus va plus loin en parlant d’une Archipel Mégapolitain Mondial
(AMM), terme ayant pour but de décrire l’organisation des plus grandes villes
du monde en réseau, ayant d’avantages de relations entre elles alors que des
milliers de kilomètres les séparent. Ce
réseau urbain « formerait
donc un archipel de villes reliées entre elles par des flux de toutes natures.
On peut représenter cet archipel sous la forme d'un schéma dans lequel les
contours des continents ont disparu et où seuls apparaissent les grandes
métropoles du monde »3
Continent-city Europe de Yona Friedman, 1960 |
L'archipel Mégalopolitain Mondial (AMM), Olivier Dollfus,1996 |
Cette globalisation urbaine, est le produit issu
de ces nouveaux moyens de communications qui ont considérablement accéléré les échanges,
et de faite, réduit les distances.
« A partir du XIXème siècle, la
révolution du charbon, de la vapeur, du chemin de fer et de l’imprimerie
accélère flux, vitesse et densité des échanges. L’environnement urbain devient
très dense et deux nouvelles valeurs temporelles apparaissent : la minute
et la seconde.
A présent, les échanges sont tellement
rapides, le niveau de communication tellement dense ; qu’on doit organiser
notre temps en plus petit segments : d’abord en heure à la fin du moyen
âge, puis au début de l’ère moderne, en minutes et en secondes. Aujourd’hui,
avec cette 3ème révolution industrielle (NTIC et Energie verte), on
a créé de nouvelles valeurs temporelles : la nanoseconde et la
picoseconde. Ces deux valeurs étant en dessous de notre seuil de perception, on
organise désormais notre temps à la vitesse de la lumière. »
Jeremy Rivkin, extrait du reportage Paul
Virilio : Penser la vitesse, réalisé par Stéphane Paoli
II.
Echelle,
vitesse et architecture.
La question de
savoir quels sont les traductions
architecturales de cette urbanisation de
la vitesse, sera traitée dans un prochain article.
1 _la loi du 16 juin 1859 prévoit, à la demande
expresse de Napoléon III, que les "Faubourgs de
Paris" situés entre l'ancienne enceinte (mur des fermiers généraux)
et "l'enceinte de Thiers" (approximativement, les boulevards des maréchaux) soient
annexés à Paris
2_ Paris métropole, Formes et échelles du
Grand-Paris, Philippe Panerai, Ed. de la Villette, 2008, (cit.p48)
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