Illustration par Larskflem ; Flickr
En 1985, le
garde des Sceaux, Robert Badinter, parvient à convaincre l’administration
pénitentiaire pour faire rentrer la télévision dans les prisons. Le détenu
français devient alors téléspectateur, accroché à ce média lui racontant le ‘’dehors’’.
Si internet permet de briser les frontières, l’espace carcéral semble encore
étanche à l’arrivé de ce nouveau média. Seulement avec internet, c’est une
nouvelle révolution qui attend le monde carcéral. Outil idéal d’ouverture et de réinsertion,
internet est perçu par les détenus comme un formidable outil de projection vers
l’avenir, rendant plus favorable les démarches de réinsertion. L’administration
pénitentiaire est cependant encore frileuse à l’arrivé de média difficilement
contrôlable. En effet, l’accès à internet par les détenus pourrait poser un
certain nombre de problèmes comme l’autorisation ou non à participer à des
forums ; l’accessibilité à des sites expliquant la fabrication d’armes
artisanales. Sans oublier qu’internet est un vivier efficace pour la diffusion
de propagandes extrémistes.
Cependant, un certain nombre d’initiatives sont
faites à ce sujet. En Belgique, les services
informatiques de la direction générale des établissements pénitentiaires sont en train concevoir un programme baptisé
"Prison Cloud", qui permettra aux détenus de recevoir des
informations générales sur la prison et d'accéder de manière réduite à
internet. En France, Jean-Marie Delarue préconise une utilisation
plus généralisé d’internet dans le milieu carcéral.
‘’L'informatique
est un outil qui va permettre de responsabiliser les détenus sur leur propre sortie. Elle
permet d'amplifier les
outils de réinsertion sans changer leur nature. Je n'ai aucun doute sur le résultat
final, et d'autant moins que les instruments classiques de réinsertion
aujourd'hui en prison sont en crise parce qu'il n'y a pas assez de soutien, il
n'y a plus beaucoup de travailleurs sociaux en prison, et ils sont tous
débordés. Au moment où ces instruments de réinsertion sont en crise,
l'informatique devient plus que jamais nécessaire.
Quand Badinter a introduit la
télévision dans les prisons,
on a crié au scandale. C'est un peu le même type de réaction auquel on assiste
aujourd'hui. Je suis attentif notamment à la réaction des professionnels qui
travaillent dans des conditions difficiles, comme les surveillants. Il ne faut
pas qu'ils s'inquiètent : l'informatique va au contraire être un élément de
sécurité pour eux, puisqu'elle vadiminuer les
tensions. Elle va ramener le calme, et pas seulement de façon passive,
comme le voulait la télévision il y a 20 ans, mais de façon active.’’
_Jean-Marie Delarue, propos recueillis par Margherita Nasi (source: Le Monde)
crédit : SO/AP Architects.
_Jean-Marie Delarue, propos recueillis par Margherita Nasi (source: Le Monde)
L’arrivée
du numérique dans les prisons semble donc souhaitable voir nécessaire pour faire
évoluer le système pénitentiaire. En effet, peut-être plus qu’ailleurs, le
rapport entre l’emprisonnement et le numérique peut trouver son dessin dans l’architecture
carcérale. Depuis les années 1980, un nouveau système de contrôle des
déplacements a été mis en place grâce à l’informatique.
‘’ À la PEP sont vérifiés toute entrée et toute
sortie de l’établissement. Le PCI contrôle l’accès à la zone en détention et
assure le lien entre tous les postes de surveillance, ils contrôlent les
déplacements dans les bâtiments d’hébergement et de promenade, actionnent à distance
l’ouverture des portes d’entrées des bâtiments d’hébergement, de sortie dans
les cours de promenades et actionnent à distance l’ouverture des portes et
grilles relatives au bâtiment. Le PCC vérifie tous les mouvements dans la zone
de détention et supervise tous les mouvements dans les galeries de liaison. ‘’
(fig01.)
_ Matthieu Morreau,PFE_02.07.10, Périphérie Prison
On
a donc assisté à un bouleversement dans l’organisation morphologique de la prison.
Le système de Poupées Russes ayant remplacé le Panopticon de Bentham (fig02.)
(fig01.) Schéma de Matthieu Moreau, PFE_02.07.10, Périphérie Prison
(fig02.)
http://www.midilibre.fr/2012/11/27/balance-et-coups-de-couteau-en-prison,601295.php
‘’L’architecture pénitentiaire a toujours donné
une certaine priorité à la sécurité. Mais si les systèmes de surveillances
étaient avant tout liés à une architecture, un regard, c’est aujourd’hui la
machine, la technologie, qui prend le relais et réglemente l’espace de
l’incarcération. Le «panoptique » n’est plus architectural mais technologique.
Une étude de l’association française de criminologie consacrée à certaines
prisons des 13 000 montre que ces établissements, loins de rassurer, semblent
générer un malaise chronique chez les détenus causé par le peu de contact direct
entraînant « un repli identitaire défensif » et « un climat de violence ». Si
dans les prisons cette technologie de surveillance devient la clef du
fonctionnement de ces établissements, elle n’en reste pas moins tout aussi
présente dans notre vie de tous les jours.’’(fig03.)
www.no-cctv.org.uk
Un
vrai défi attend donc le système carcéral, entre concilier le système numérique
comme moyen de contrôle et le numérique comme outils de réinsertion.
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